Noël, vous avez bien dit le 25 décembre ?
- Didier Guénin
- 25 déc. 2020
- 5 min de lecture

Je vous souhaite un Très Joyeux Noël, en ce jour où les chrétiens célèbrent la naissance du Christ. Car c’est une évidence pour tout le monde : l’enfant Jésus naît le 25 décembre à Bethléem dans une crèche entre l’âne et le bœuf, sous le regard attendri de ses parents terrestres Marie et Joseph. L’image est si belle et si puissante qu’on la croit vraie. Mais qu’en est-il ? Qui donc est né en ce 25 décembre ???
Parler d’une date le 25 décembre en l’occurrence, suppose déjà de se référer à un calendrier. Or à chaque époque sa perception et sa structuration du temps. L'idée que le temps s'impose à nous, se mesure universellement, s'écoule linéairement, est un concept moderne. En réalité le temps n'est pas un invariant anthropologique, il épouse son temps et le façonne.
La plupart des sociétés primitives vivaient dans un temps cyclique, celui des jours et des saisons, qui boucle sur lui-même et se régénère. Si nous devons sans doute aux égyptiens notre calendrier découpé en douze mois, celui-ci restait pour les Pharaons intimement lié au cycle solaire annuel divisé en trois saisons qui rythmaient la vie du Nil et l'agriculture vivrière : les périodes d'inondations, de semences et de récoltes. Si aujourd'hui le calendrier grégorien domine, ce n'est que le fruit des ajustements erratiques de l'histoire et de la domination économique occidentale. Les chinois, les hébreux et les musulmans pour ne citer qu'eux vivent dans un autre calendrier que le nôtre, ou réciproquement. Aucun ne peut revendiquer d'autre suprématie que celle du nombre de personnes qui s'y référent. Chacun possède ses étrangetés.
Combien d'entre nous s'étonnent que septembre, octobre, novembre et décembre, qui revendiquent par leur nom même d’être en septième, huitième, neuvième et dixième position, soient relégués de la neuvième à la douzième place dans notre calendrier ? La faute à Jules César qui ajouta dix jours au calendrier et fit commencer l’année civile au jour de l'élection des consuls et non plus aux Ides de mars. Ainsi l'an 46 avant JC connut 445 jours ; interminable.
Et ceci eu pu changer encore si le pape Libère n’avait pas maintenu ce choix au motif que le 1er janvier serait le jour de la circoncision du Christ. Il fallut attendre les travaux du moine Denys qui établit que le Christ était né le 25 décembre, 753 ans après la création de Rome, pour déterminer l’ère chrétienne. Cependant la plus grande confusion régna longtemps. La chose était si peu entendue qu'il fallût que le roi Charles IX fixât par édit le début officiel de l'an 1564 au 1er janvier, et qu'en 1582 le pape Grégoire XIII imposa le calendrier dit grégorien. L'histoire a ceci de délicieux que sa connaissance nous enseigne combien nos certitudes sont le produit fragile de bricolages successifs, et le temps n'échappe pas à cette règle.
S’agissant du Noël Chrétien donc, l’histoire nous apprend que celui-ci ne se définit par rapport au calendrier, mais que bien au contraire c’est le calendrier qui se cale par rapport à la naissance du Christ, ou plutôt de la circoncision de l’enfant Jésus pour ces 7 jours qui fixe le 1er janvier de l’an 1. Ainsi le Christ est se retrouve officiellement né le 25 décembre de l’an -1 !
Bien évidemment cette vérité officielle calendaire pose d’énormes questions si l’on retient la tradition selon laquelle Joseph et Marie fuient un recensement décrété sous le règne du roi de Jérusalem Hérode. Tout simplement parce que Hérode est décédé en -4 avant JC. Et si l’on cherche des traces de recensements, deux sources sont connues : les recensements des citoyens romains. Or ceux-ci ont eu lieu en -28 av JC, en -8 av JC et en 14 de notre ère ! Donc petit souci de date également. Et si l’on recherche des recensements plus localisés en Judée ou en Galillée, nous ne trouvons trace de recensement qu’en 6, 7 ou 8 de notre ère pour la Judée.
Autant dire que la date de naissance du Christ nous est inconnue et que le choix de la date repose sur d’autres considérations, ce d’autant plus que les premiers chrétiens se définissent par rapport à la résurrection du Christ et non pas de sa naissance. On ne trouve d’ailleurs aucune trace de célébration de Noël durant les 3 premiers siècles de l’ére chrétienne.
Pour répondre à cette question il faut remonter à la nuit des temps. Aussi loin que nous pouvons avoir trace de célébrations, deux dates semblent faire sens. Une première autour de début novembre où les hommes célèbrent la mort. C’est le moment les jours sont de plus en plus courts et où le climat bascule vers les mauvais jours, où les récoltes s’achèvent. Quoi de plus naturel donc que de célébrer la mort que ce soit celle du soleil, de la fécondité, des hommes etc.
La seconde date est celle du Solstice d’hiver, qui contrairement à certaines opinions répandues marque non pas le déclin mais la renaissance du soleil, le rallongement des jours qui annonce l’espérance à terme du retour du printemps. Ainsi nous avons trace autour du solstice d’hiver de fêtes de Yule que fêtaient les peuples germains et nordiques. On retrouve également à cette période de l’année les fêtes de la naissance de Mithra dieu Hittite qui marque la victoire de la lumière sur les ténèbres, et surtout les Saturnales romaines qui se déroulent tout au long de la semaine qui précède le solstice. Les saturnales vont d’ailleurs donner naissance à la fête du Dies Natalis Solis Invictus que l’empereur Aurélien fixe en 274 de notre ère au 25 décembre.
Les linguistes sont désormais d’accord sur un point, Noël vient du mot latin Natalis qui signifie jour de naissance. Et bien évidement les latins font référence à la naissance du soleil, pas à celle du Christ. Une autre origine, pourtant réfutée aujourd’hui associerait Noël au mot gaulois Noio qui signifie nouveau et de Hel qui signifie soleil. Finalement, même cette hypothèse confirmerait l’origine solaire de Noël.
Il est donc tout à fait logique que les chrétiens qui se définissent par la résurrection du Christ ne se soient pas préoccupé de sa naissance. Mais au fur et à mesure que la religion gagne en importance et en nombre de fidèle, il importe de multiplier les dates de célébrations. Ainsi se pose la question de la naissance Jésus. Quoi de plus évident alors de retenir une date qui est dans l’esprit de tous associée à l’idée de naissance même. C’est sans doute dans cette évidence syncrétique que se trouve la véritable raison du choix de la date du 25 décembre.
Pourquoi cette date a ensuite été maintenue. La première réponse est simple, quelle autre date offrirait la même puissance évocatrice de naissance ? La seconde raison tient au fait simple également que la tradition populaire s’était emparée de la date et que ceci produisait pleinement son effet. Jusqu’à convaincre les puissants d’accaparer la date. Le roi Clovis est baptisé le soir le Noël, scellant après son expansion au sein de l’empire romain, la suprématie de la religion chrétienne chez les francs. Et la papauté en ce Ve siècle a bien besoin de cet appui-là. Ce besoin se fera encore ressentir au VIIIe quand les papes s’appuieront sur les Francs face aux Lombards. Paul 1er acceptera d’être le parrain de la fille de Pépin le Bref, et le pape Léon III qui sacrera Charlemagne Empereur en 800 pour asseoir la puissance de Rome choisira symboliquement Noël. Ainsi la boucle est bouclée… Puisque Noël est devenu une fête d’importance, pourquoi changer la date, surtout qu’aucune autre ne s’impose historiquement.
Décidemment, sacré Charlemagne, non content d’inventer l’école… il contribue à pérenniser une date clé, celle où l’église naissante est l’idée folle de faire naître le petit Jésus un 25 décembre.
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