Loire à pieds, étape 8 : Thoureil et gabares

Le chemin se fait route, et même si un panneau « partageons la route » invite l’automobiliste à la convivialité, rares sont ceux qui se déportent de l’autre côté de la chaussée pour m’éviter. Chez certains cela semble même un jeu de passer le plus proche possible. Je peste intérieurement mais je n’ai pas d’autres choix si je veux profiter de cette belle vue ombragée sur le fleuve qu’un léger rideau d’arbres dévoile et souligne. Les feuilles jouent avec les reflets des eaux ligériennes, saisissent un banc de sable, découpent un point de vue, dévoilent le vol d’une mouette, le mouillage d’une barge ou les jeux d’enfants en bord de Loire.

L’estaminet, le bien nommé, étale sur la placette devant l’église du Thoureil ses tables et ses parasols. Je me laisse séduire par le lieu et sa vue imprenable sur la Loire. Un gaspacho accompagné d’une surprenante et délicieuse boule de sorbet à la tomate ainsi qu'une quiche lorraine ont raison de ma faim. Face à moi le fleuve. Dans la largeur majestueuse de la Loire un adolescent s’exerce avec talent au ski nautique. Il slalome de part et d’autre de la trace d’écume du hors-bord avec une aisance qui me déconcerte, moi dont la marche ressemble de plus en plus à celle d’un canard, tant mes douleurs dorsales et quelques crampes dans les mollets donnent à mon corps une démarche hors d’âge.

Mes premiers pas après la pause déjeuner confirment les assauts douloureux. Je double une belle demeure seigneuriale où la tour en pierre de tuffeau révèle en son embase un large porche muré et arbore à son sommet une coiffe à la Mansart d’une toute autre époque. Des balustrades classiques complètent ce tableau hétéroclite quoi que charmant. En bord de Loire mouillent des gabares, certaines gréées, d’autres équipées d’une cabine en bois à toit bombé en zinc. J’imagine la remontée du sel de Guérande ou de Noirmoutier, la descente des vins de Loire, un ballet de marine marchande qui relie les hommes et échange leurs productions.