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Loire à pieds, étape 5 : Saint Florent le vieil

  • Photo du rédacteur: Didier Guénin
    Didier Guénin
  • 5 juil. 2022
  • 2 min de lecture

Comme jamais depuis cinq jours je vis et marche dans l'intimité de la Loire, large, sablonneuse, alanguie, fragmentée en des bras paisibles, posant mes pas sur le sable à même la berge. Les influences marines de l'estuaire se sont effacées, de même l'empreinte urbaine de l'agglomération nantaise, qui hier encore me poursuivait avec sa ligne TGV, a disparu. Tout n’est que nature. Non pas que la ligne ferroviaire se soit grandement éloignée, guère plus de quelques centaines de mètres nous séparent, mais le rideau d'arbre au travers duquel hier je voyais à ma droite le fleuve, me sépare aujourd'hui à ma gauche de toute trace urbaine et m'offre mon baptême ligérien. Je m'autorise une pause et entre jusqu'aux mollets en Loire. Je marche dans la Loire. La sensation est délicieuse et si je m'écoutais je me baignerais, le soleil m'y invite d'ailleurs. Finalement je résiste à mon envie, et poursuis ma route.


Au-delà de l’île Batailleuse que les vikings occupèrent un temps se dresse, émergeant des arbres et fière sur son léger promontoire, l'abbaye de Saint-Florent-le-Vieil dont le nom n'est pas usurpé puisqu'elle remonte au IVe siècle. Son élégant clocher à trois étages plante ici en terre angevine un doigt levé vers le ciel, clin d'œil catholique et douloureux en ce lieu qui vit la mort de Jacques Cathelineau et du général de Bonchamps, chefs vendéens défaits en 1793 lors de la déroute de Cholet. A titre personnel je suis davantage sensible à la mémoire de Julien Gracq, enfant du pays revenu en la maison familiale sur la fin de ses jours avant que de s'éteindre à l'âge hautement respectable de 97 printemps. Le rivage des Syrtes, Les eaux étroites et les Carnets du grand chemin trouvent chez moi un écho tout particulier. J’imagine Aldo dans sa forteresse, face à la mer, surveillant le Farghestan. Je devine les eaux étroites de l’Evre se jeter ici dans la Loire. Suis-je moi-même sur ce grand chemin qui traverse les paysages ou sur celui qui nous relie au rêve ? Sans doute depuis cinq jours tout autant sur le second que sur le premier. Et peut-être ne forment-ils qu’un. N’est-ce pas là le sens de la vie de transmuter les rêves en réalité, à moins que ce ne soit l’inverse…


Assis sur un banc, les bras posés sur cette table en bois, je regarde la Loire couler. Inoccupé. Rien à faire d’autre que de contempler le fleuve. Je savoure cet instant rare.

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